O! muse prête-moi ta lyre,
Afin qu'en vers je puisse dire
Un des combats les plus fameux,
Qui s'est déroulé sous les cieux.
Non, je n'ai pas le talent pour continuer ce poème dédié à la préfecture du Nord, afin de lui rendre hommage...
Il faut dire que j'avais un fâcheux précédent, l'immatriculation d'une voiture d'occasion ayant pris 6 semaines l'an dernier !
Or donc, je me suis rendu lundi à l'ouverture des bureaux de cette institution laïque, républicaine et antidérapante, située rue Jean sans Peur, ce qui ne s'invente pas pour le temple de la bureaucratie. Entreprise hasardeuse, j'osais la démarche de faire rectifier le certificat d'immatriculation du Buckland, où la mention "Z1 véhicule de collection" avait été oubliée en février lors de son achat. C'était le cadet de mes soucis, mais un pandore avisé m'ayant fait remarquer que les plaques noires n'étaient pas tout à fait de bon goût et m'ayant fait une explication de gravure que j'ai religieusement écoutée comme un bon citoyen pris vaguement la main dans le panier de cerises, il était nécessaire d'agir...
Mon assureur en ayant rajouté une couche, j'ai donc pénétré dans l'antre de la légalité avec l'âme d'un chevalier à la recherche du Saint Graal.
Dès l'ouverture du saint des saints, la foule nombreuse et bigarrée des prétendants était avide de subir les épreuves initiatiques du portail et de la palpation. Après une heure d'attente dans la file suggérant la vente d'une boîte de sardines au Goum des années rouges, le jovial (si, si !) préposé me prévint que l'informatique était en panne, situation propre à effrayer les plus téméraires des administrés. L'intégralité du dossier ayant été vérifiée, sous la surveillance enamourée des photocopieuses déposées par un concessionnaire avisé, j'obtins le sésame nécessaire sous forme d'un ticket d'attente U322. Je pensais in petto au sort funeste de son homonyme U-322, coulé le 29 décembre 1944 dans la Manche au sud de Weymouth, sombre pensée pour un postulant dans une démarche administrative. Je ne restais dans cette éventualité que quelques minutes, avant d'être fort aimablement reçu au guichet 10 par une charmante dame, spécialisée dans les modifications, corrections, réajustements et autres travaux de haute précision.
A son tour, elle réitéra la précaution oratoire préliminaire : "l'informatique nationale est en panne". Je me sentis promu à rang élevé de citoyenneté, ce n'était pas une vulgaire panne locale, régionale ou vicinale, mais une panne nationale, de celles qui élèvent le vulgum pecus à une sorte de Parnasse de l'administré.
Mes documents ayant semblé lui convenir, elle me congédia en me confirmant une date d'envoi proche de la saint Glinglin qui, comme chacun sait, se trouve fixée à la Toussaint, la Curie n'ayant pas jugé bon de la mentionner parmi les saints dignes du calendrier ordinaire.
Une bonne nouvelle vint alors tempérer ma morosité naissante : "C'est gratuit !". Ben ça alors, l'acte gratuit existe encore sous notre bon Président ?
Ce lundi était donc à marquer d'une pierre blanche (à défaut d'une carte grise).
Jeudi matin, driiiiiing ! Qui c'eeeeest ? Le facteur ! Un pli recommandé... non pas une facture, non pas une prune rennaise pour avoir abusé du champignon, non... Le CERTIFICAT D'IMMATRICULATION ! rectifié, propre sur lui, prêt à être scellé dans l'ombre protectrice du portefeuille.
Eh bien, voyez-vous, quand ON annonce que tout va mieux, je serais presque prêt à le croire. Presque !